Scripts

Vers un roman

 

Tombe dans l'eau I

Jérome

"Tombe dans l'eau". Le caillou tombe. Il se reflète. En ronds concentriques et idylliques. Au loin, une voix crie, se rapproche, se discerne : "Paul, Jean ! Paul, Jean !".Assis sur le tronc, ils regardent l'eau limpide comme l'eau claire, les arbres se reflétant dans ce miroir lumineux. La forêt se tait, le ciel discute et fournit ses nuages à rêve.

"Ah enfin, mais qu'est ce que vous faîtes, on vous cherche partout; tout le monde se met à table". Ils se lèvent et en silence suivent leur soeur, regardant derrière eux, le miroir bleu et blanc, source de leurs nuits. Ils marchent dans l'herbe humide, suivent le chemin des roches, et descendent dans le champ avant de regagner la maison. On entend crier dans la cuisine, les cuillères sur la paillasse. Leur père et leur grand-mère parler des nouvelles. La nappe blanche, couverte de couverts, cristaux, cuivres, porcelaines, argenteries, le tout couronné d'un somptueux bouquet de jonquilles encore fraîches.

"Vos mains, vos mains !"

L'escalier craque et le son du vernis couine sous leurs souliers humides. Ils partagent le savon, la serviette en coton blanc et redescendent. Tout le monde s'installe, eux à côté l'un de l'autre, silencieux, sage comme des i_mages. On parle de choses et d'autres, des nouvelles, de politique, de spectacles; on mange le pot-au-feu. Durée, dure, longue, long repas. Corbeille de fruits exotiques garnis, rince doigts, puis ils repartent au moment du café par le chemin des roches vers leur miroir.

"Tombe dans l'eau..."

 

Tombe dans l'eau II

Jérome

"Tombe dans l'eau". Petit caillou dans les roches qui dégringole la falaise. Le pêcheur inquiet le regarde glisser sur les parois humides du granit rose juste mouillé par les pluies torrentielles de septembre. Seul sur sa petite barque dans cette crique, il palpe ses filets, boit sa bouteille de blanc en déchirant son gros bout de pain de son couteau mal aiguisé. Il attend la pêche miraculeuse mais seules les sardines veillent à ne pas le décevoir. Il a chaud sous ce soleil brûlant, sue dans son marcel en gros coton. Et son vieux pantalon le sert à la ceinture. Il se déboutonne, se met à l'aise et attend. Il regarde le ciel, observe les cercles et sphères qui décrivent les mouettes apeurées par cette eau trop limpide.

Dans cette atmosphère lourde, il espère un gros orage pour le rafraîchir. Il connaît bien la météo et sait qu'il faudra encore attendre deux heures avant de rentrer. Il touche l'ancrage froid, se passe de l'eau sur son visage vieux et défiguré par le sel. Il cherche dans sa poche. Cherche ses allumette. Allume une cigarette, après un long tapot sur le paquet.

Le bateau tangue, les filets bougent et lui allongé, fume son clope. Il souffle de grande bouffée noires qui s'entremêlent, virevoltent et s'évanouissent dans un ciel de plus en plus noir.

Là-haut, on aperçoit des enfants qui jouent sur la falaise, ils s'accrochent aux rares plantes grasse, simulent l'escalade. De gros éboulis les entraînent lentement de plus en plus bas. Ils courent dans cette matière absorbante et d'en haut les moins hardis crie au plus petit ou au plus casse-cou "Tombe dans l'eau"...

 

Cibella Baraculum

Jérome

Dans une jungle de l'Afrique noire de 1930, le professeur d'Alembert recherchait le papillon qui ferait de lui l'homme le plus connu du monde : le Cibella Baraculum est en effet le papillon préhistorique jamais encore trouvé, unique hypothèse scientifique il doit exister mais n'est pas présent dans les musées. Profitant de sa situation de noble enrichi par les héritages nombreux de ses parents, membres de la cour royale d'Angleterre, il parti tel un fou il y a déjà cinq ans à la recherche de ce spécimen si particulier.

Ces nombreuses enquêtes l'avaient déjà conduit aux quatre coins de la forêt vierge et il n'espérait bientôt plus rien, tous ses crédits avaient déjà disparus et sa famille, maintenant loin de lui, ne croyait plus du tout que ce voyage n'était qu'une aventure. Lorsque son père mourut, il n'avait même pas pris le temps de retourner en Angleterre pour ses funérailles.

Il était seul maintenant, tout son personnel l'avait quitté trouvant la recherche inutile de toutes les manières mais maintenant elle n'était même plus payante. Il décidèrent alors de quitter Brazzaville. Le professeur avait du s'en aller de l'hôtel car il ne pouvait plus garantir ses prétendus finances.

Il avait entendu parler d'un vieux sage qui pourrait le renseigner; mais il était à deux semaines de la ville et tout seul l'aventure paraissait difficile. Qu'importe il partit quand même, se perdit dans la forêt, attrapa la fièvre jaune, le paludisme, la méningite mais si enthousiasmé il se sortait toujours de ses situations mortelles. Lorsque le sage le vit, il lui dit tout, avec une grande confiance, ce qu'il savait et deux mois après il trouva le Cibella Baraculum, l'admira mais le papillon était vénéneux et lorsqu'il le captura, le pollen mortel qu'il transportait froudoya le professeur qui mourut sur le coup.

 

Le Désespoir est dans le Mur

Jérome

C'était un sale jour de pluie, un jour où même les mauvais chiens ne sortent pas dehors. Il faisait froid, les rues étaient désertes et les voiture se noyaient sous leurs gerbes d'eau. Dans cette petite ville du midi, du côté de Gardanne, rien ne pouvaient rappeler la luxure des villes balnéaires Nice, Cannes...

Pierre et Gérard vivaient dans leur petite loge. La pièce était sombre, éclairée par le une petite lampe pointée vers le sol. Ils avaient une table de gros bois dur et deux vielles chaises dépaillées. Pour dormir, ils avaient deux matelas et deux couvertures. Pierre était chômeur et Gérard mineur à Gardanne. Ils partageaient cette pièce à deux depuis quinze ans et Pierre avait du arrêter la mine : il crachait noir profond et toussait nuit et jour. Gérard était plus costaud que Pierre, il ne crachait que marron. Leur modique paie suffisait pourtant à vivre dans cette loge.

 

Le salon

Jérome

Le salon était molletonné. Du bordeaux sur les murs en forme de coussin. Du jaune d'or pour la moquette spongieuse. Le mobilier d'un style Louis XVI était comme neuf : des fleurs dorées sur des tissus marron clair et les agrafes parisiennes luisantes et argentées. Toutes ces fioritures rendaient mal à l'aise, on préférait rester debout et contempler cette pièce où les pieds de tout le mobilier se rebroussait à chaque fois dans des convulsions océaniques.

Une table en verre fumé reposait sur quatre beaux pieds en ébène noir laqué. Autour un petit canapé louis XV refait avec une étoffe bleu roi faisait face à deux fauteuils en cuir blanc très sobre. Du coté où l'on soupait il y avait une belle table en chêne, recouverte d'une nappe brodée blanche où les dessins représentaient des oiseaux chatoyants de tout pays. Trois chandeliers posés sur la table rendaient à cette pièce un air royal par la finesse des sculptures malgré leurs poids non négligeables. Très feutrés, les tableaux donnaient au salon un air sombre : compte-rendu de la guerre napoléonienne, romantisme allemand, le tout encadré de dorures interminables. On ne pouvait plus respirer, plus bouger : tout étouffait, les radiateurs dissimulés par des grilles noires chauffaient la pièce par le bas et les pieds s'enflaient. On aura vite enlevé ses habits et se sera vite couché dans ces fauteuils mais ce n'était pas le style du salon qui nous regardait de ses deux grandes glaces se faisant face. On se serait perdu dans leurs couloirs infinies si le plomb qui les formait n'ajoutait pas à cette pièce un air finalement glauque.

Tout ce luxe, cette précision, cette délicatesse donnait finalement envie de gerber.

 

Le cafard de Justine

Jérome

Dans la petite salle de bain, où Justine chaque matin se déshabillait, se lavait, se rhabillait, il y avait un gros cafard noir.

Il passait le clair de son temps dans la baignoire, en attendant le matin vers 7h00, 7h10, où préférant éviter le bain forcé il se réfugiait sous la commode. Justine ne le voyait jamais et pourtant lui entre 7h00 et 7h30, il l'observait, tapis, n'osant pas bougé de peur qu'elle entende ses grosses pattes de bois claquer sur le sol. Il se nourrissait de peu de choses, les sales bestioles qui remontaient par les tuyauteries, les miettes qui tombaient des habits de la jeune fille., les bouts de tabac... Il avait déjà mangé sa compagne et ses petits et se demandait quand il allait bien pouvoir recommencer la démarche amoureuses gastronomique.

Justine avait 24 ans. Elle était du moi de juin. Elle travaillait depuis peu comme assistante dans le service des relations humaines d'une entreprise de conservation. Ce boulot lui plaisait pas mal, bien que le salaire ne correspondait à son travail. Elle avait pris cet appartement depuis six mois : un petit trois pièces dans Paris, au cinquième étage sans ascenseur. Elle aimait s'habiller simplement : un pantalon noir de préférence, un pull blanc en angora et des petites ballerines bleues. Le tout surmonté de son grand manteau bleu et d'un écharpe en laine blanche. Eté comme hiver, c'était son bleu de travail.

Chez elle elle se contentait d'un tee-shirt trop grand. Son chez-elle justement était un meublé bâtît d'une grosse armoire qui donnait au lieu son centre dans lequel elle avait mis toutes ses affaires. Son grand lit accueillait de temps en temps un homme de passage, il y avait aussi une kitchenette juste bonne à réchauffer ses surgelés et un beau canapé Habitat qui lui permettait de regarder le prime-time du mercredi.

Justine vivait avec son cafard, le cafard guettait Justine.

 

La place de Sucy-en-Brie

Jérome

Assis dans un square, un petit square de bord de gare j'attend. Qui? Tout le monde , tous les oiseaux, les moineaux, les sensations, tout ce qui peut-être et ne sait pas, tout ce que l'éther veut bien donner. En l'occurrence trois bancs se faisant face, assis sur le goudron et au centre un réverbère, électrique, celui-là à cinq ampoules en pyramide. Autour de cette placette quelques arbres dont la taille ne permet pas de dire qui ils sont.

Et les gens passent, les jeunes ou un peu plus vieux agrémentent leur samedi dans les salles obscures, les vieux font leur promenade quotidienne, hebdomadaire ? et ils s'assoient sur ces bancs parlant de tout, de rien, de leur passé en somme.

Tout autour c'est un balai de voitures, certains la montrent, d'autres l'utilisent, on entend aussi les chiens qui hurlent leurs bonheurs ? malheurs ? Ils 'écoutent aboyer. Et les hommes, en l'occurrence des femmes les observent, eux, leurs rites de reconnaissance. Les chiens se donnent en spectacle. En voilà un autre , il attend aussi alors que les vieux sont partis. Fini leurs promenades, fini leur moment de tranquillité. Ca tourne autour de chaque train : un flot humain déferle sur la placette de Sucy-en-Brie.

La gare moderne fait preuve de rigueur, quelques longues fenêtres administratives. Du béton de reconstruction; paradoxe : fonctionnel et normalement grandiose.

Tout autour de cette place de grands arbres non taillés, par flemme, par choix, par peur ?? Le petit bar-restaurant-hotel fait preuve d'hospitalité extérieure, mais à l'intérieur il vaut mieux faire partie des meubles.

J'attend, j'attend et ne sais qui ni quoi viendra me chercher ou me faire partir. Musique et silence sont de la même famille mais sont distincts tous les deux. Il faut donc bien choisir.

 

Orgie, ma belle orgie

Jérome

Orgie, ma belle orgie tu fécondes de les entrailles de tes adeptes. Dans cette grande et haute salle les hommes sont attablés. Depuis des heures ils sont allongés, tapis ou vautrés sur des canapés défoncés. Tout est éclairé par des bougies : le plafond reste noir et la viande graisseuse, le vin en amphore coule sur les cous des femmes nues, les hommes gras adipeux et faits observent d'un oeil obscène les danses de ces dames. Connivences impossibles, fellations multiples : état infécondable, sexes malades et rites ancestraux qui s'affrontent, mythologies absurdes et littératures intraduisibles.

Dans un coin un poète lit la philosophie, un écrivain décrit ses états cérébraux. Les esclaves sans répit amènent les plats : entrées, desserts, cochons, veaux et boeufs empalés.

Au sein de cette pièce un immonde et gigantesque feu fait briller les corps musclés et graisseux des animaux gavés. Habillés ou déshabillés de leur toge, ils pensent et panse leurs panses, pleurent leur femme lorsqu'ils ont trop bu tout en abusant, à grands coups, des femmes pathétiques embauchés et débauchées.

Le grand maître arrive : tous ces pseudos amis se lèvent chaotiquement et désespèrent quelques bribes de paroles pou lutter contre la maladresse éthylique habituelle. Le manitou clame tout haut et sainement : "Bienvenue, empiffrez-vous, buvez tout, enculez et violez tout : vous êtes ici chez moi et je veux voir violence et décadence". Se lèvent alors des cris et des hourras pitoyables sans âmes et sans usures. Défaits et disjoints ils regagnent leurs auditions, leurs verres et leurs viandes. Mus par quelques raisons, ils continuent à boire, manger, vomir, péter, éjaculer, enculer et parler mais de moins en moins : les sens de chair les ont envoûtés.

 

Pierrot : Le fou pas si fou

Jérome

Allongé sur le chaud gravier, il regarde les hirondelles passées. Les cigales chantent fort et haut, vite et trop. il n'arrive pas à finir sa sieste. Le soleil est trop fort, la daube trop grosse, le pastis trop épais et malgré leur petit problème, les chasseurs l'observent. Pierrot, c'est le fou du village, il ne travaille qu'aux vendanges sinon il danse et chante. On lui donne des pièces, des repas, du pain mais surtout du vin.

Pierrot on l'appelle pour les fêtes mais lui il a perdu la tête alors il oublie et se noie dans l'essence rouge divine. Il chante bien en toutes les langues et quand il danse on lui laisse la place du village car il prend beaucoup trop d'espace. il aime l'estrasse, la vinasse et le sauté de mouton aux pommes de terre. Pierrot il est gras gros et adipeux. Son nez rosé est un cratère, ses yeux sont verts pomme et ses cheveux roux. Sa barbe est belle et gouleyante. Entrée de vin, perdu dans le sein de sa mère il est devenu fou. Mais dans le village, c'est le plus âgé : il va bientôt crever. On n'aimerait pas le voir partir, plutôt le voir souffrir. Il est bourré 24h/24 comme la redoute. Il assure le comas trois fois le mois et la gerbe bihebdomadaire. Sa redingote grise est rosée, son pantalon bleu, vert et mouillé et ses chaussures marron clair, marron foncé. Il aime le rosé, le rouge et le blanc. Il s'adonne au calva une fois par mois et là c'est trois jours d'hôpital, de camisole qui le rende au village.

Personne ne s'inquiète car on sait , ou du moins on croît, qu'il a la vie dure. Mais peu importe un jour il crèvera, on ne s'y attendra pas. Pierrot il est pas si fou, plutôt que de voir des cons, il préfère être rond. Pierrot c'est l'alcoolo : c'est le vrai Bacchus.

 

La blanche Marie

Jérome

Sur le bord de la rivière, regardant les poissons se faufiler dans l'eau claire, Marie s'endort lentement dans l'herbe encore fraîche par la rosée du matin. Au bord du bois arrosé par les pluies torrentielles de la veille, on distingue des petits arc-en-ciel au dessus des colchiques, myosotis et des fleurs de pissenlit printamment sortis. Malgré la froideur latente, Marie enlève son pull et respire à grands poumons l'air pur du matin. Le brouillard tombe et mille petites étoiles de pluie envoûte le corps de la belle jeune fille. Vêtue de blanc devant, de vert d'herbe derrière, elle sort lentement de son panier d'osier un petit morceau de pain humide. Elle ne prend un bout avec ses petites mains, et de plus en plus patiemment l'amène à sa bouche pour le mâcher de ses dents blanches. Elle s'accroupit, enlève ses chaussures et mets ses pieds dans l'eau glaciale. une truite lui chatouille la plante des pieds, elle esquisse un mince sourire en continuant son rite gastronomique. Après une heure, une fois le pain fini elle recommence avec une pomme verte. Deux heures passent. Le soleil commence à chauffer, le brouillard s'est évanouit et le ciel bleuit d'azur. Elle se lève et par les bois regagne avec son panier d'osier la belle maison blanche, où elle va préparer le repas de midi pour ses vieux parents. Elle est seule dans la vie , seule dans son esprit, seule dans sa forêt, parents imaginaires, enfants morts, enfantée par le monde elle porte en elle le paradis mortel, ennui, relisons les rites d'antan et capturons tant bien que mal l'essence du parfum que dégage la douce marie.